Récemment, j’ai profité d’un groupe d’entraide sur l’anxiété pour aborder un thème important : l’automédication par les drogues (cannabis). La toxicomanie est en effet une réalité qui concerne de près beaucoup de personnes fréquentant le CAFGRAF, mais de manière générale, une grande partie de la population ayant des problématiques de santé mentale.
Définition et causes de l’automédication par les drogues
L’automédication désigne l’acte de consommation de médicaments ou de substances décidé par soi-même. Selon le CAMH (centre de toxicomanie et de santé mental), il existe plusieurs causes à cette pratique :
- La consommation d’alcool et de drogue peut avoir des effets semblables aux symptômes d’enjeux de santé mentale comme la dépression, l’angoisse, l’impulsivité ou les hallucinations. On parle alors d’enjeux de santé mentale causés par la consommation d’alcool ou de drogue.
- L’alcool et les drogues peuvent causer des changements négatifs dans la vie et les relations des personnes qui en consomment (ex : perte d’emploi). Ces effets indirects de la consommation d’alcool et de drogues peuvent entraîner des enjeux de santé mentale.
- Pour certain.es, un même facteur peut causer à la fois des enjeux de santé mentale et des problèmes d’alcoolisme ou de toxicomanie. Il peut s’agir d’un facteur biologique ou d’un événement comme un traumatisme affectif ou physique.
- Certaines personnes qui ont un enjeu de santé mentale consomment de l’alcool ou de la drogue pour se sentir mieux. Certaines personnes considèrent la consommation d’alcool et de drogue comme une forme d’« automédication ». C’est sur ce dernier point que se concentre cet article.
Témoignage des membres du groupe d’entraide
Pour un peu de contexte, faisons le tour des profils présents à ce groupe d’entraide ce jeudi matin. Certaines personnes ont principalement consommé de l’alcool, d’autres sont d’anciens consommateurs et consommatrices de crack et de coke qui se sont ensuite tourné.es vers le cannabis. Cette substance constituera d’ailleurs le sujet de conversation principal par la suite. Ainsi, par “drogue”, il faut ici entendre principalement le cannabis.
Selon Sylvie Fainzang (2019), anthropologue et directrice de recherche au Cermes (Centre de Recherche Médecine, Sciences, Santé et Société), l’une des raisons principales à l’automédicaion est la méfiance à l’endroit des médecins, notamment par suite d’expériences décevantes. Il s’agit en effet d’un élément largement rapporté par les personnes présentes au groupe d’entraide :
“on m’a donné trop de médication”
“les médecins sont mal renseignés, ils jouent au yo-yo, prescrivent à l’aveugle”
“la médication n’est pas adaptée”
“les médicaments sont trop forts”
À ce problème, l’un.e des usager.es suggère la mise en place de davantage de suivis à domicile afin d’évaluer si la médication est bien adaptée à la personne et si elle ne souffre pas trop des effets secondaires.
En effet, les effets secondaires indésirables constituent une autre des principales raisons de l’automédication par les drogues, selon les usagers. Pour l’un d’entre eux, les effets secondaires des médicaments sont imprévisibles et l’effraient, contrairement à ceux des drogues, qu’il côtoie et apprivoise de près depuis sa jeunesse. Dans la balance, les effets néfastes de leur consommation sont contrebalancés par ce que la médication traditionnelle leur enlève :
“ça coupe l’appétit”
“on n’a plus de sexe”
“ça enlève le vouloir”
“ça rend épuisé”
Lorsque les effets secondaires indésirables de la consommation de drogue (cannabis) sont ensuite abordés, presque tout le monde se met d’accord : le coût. Certains regrettent avoir autant dépensé dans la consommation de substances plus fortes que le cannabis, et déclarent qu’il s’agit de la raison principale de leur abstinence :
“Le malheur [apaisé par la drogue] s’oublie 4h puis reprend pour 30 jours parce qu’on n’a plus les moyens pour manger”
Un.e des usager.es tient également à rappeler que la consommation de cannabis n’est pas sans danger, dans la mesure où elle peut mener à des psychoses toxiques (Curtis et al., 2006), et avoir un impact néfaste sur la mémoire et la concentration, en plus de nombreux problèmes de santé physique (Gouvernement du Canada, 2022).
Conclusion et ressources
En résumé, pour la plupart des personnes présentes, le cannabis l’emporte dans la balance face à la médication traditionnelle, malgré les effets néfastes mentionnés plus haut. Pour ceux et celles qui aimeraient inverser la tendance, qui sont insatisfaits de leur manière de consommer et qui nécessitent de l’aide pour modifier ses habitudes, voici quelques ressources qui pourraient vous être utiles :
Centre de Réadaptation en Dépendance (CRD) de Laval
312 Bd Cartier O, Laval, QC H7N 2J2
(450) 975-4054
Déclic Action
2255, rue Bienville, Laval, QC H7H 3C9
(450) 628-1011
info@declicaction.com
www.declicaction.com/
Tel-Jeunes (pour les jeunes de 20 ans et moins)
Ligne d’écoute, clavardage, informations en ligne
+1 800-263-2266
Références :
Curtis, L., Rey-Bellet, P., Merlo, M., C., G. (2006), Cannabis et psychose, Rev Med Suisse, -8, no. 079, 2099–2103.
Fainzang, S. (2010). L’automédication. Anthropologie et Sociétés. 34. 115. 10.7202/044199ar.
Skinner, W., O’Grady, C., Bartha, C., & Parker, C. (2004). Les troubles concomitants de toxicomanie et de santé mentale. Centre de toxicomanie et de santé mentale.
W.J. Wayne Skinner, MSS, TSI; Caroline P. O’Grady, IA, MSI, Ph.D. Christina Bartha, MSS, TSA; Carol Parker, MSS, TSA
Gouvernement du Canada https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/drogues-medicaments/cannabis/effets-sante/effets.html