Présentation du Modèle Canadien du Rendement et de l’Engagement Occupationnel (MCREO)

L’ergothérapie est une profession permettant aux personnes de réaliser les occupations qu’elles considèrent comme importantes. L’ergothérapie est décrite comme étant « l’art et la science de l’habilitation de la personne à l’engagement dans la vie de tous les jours par l’occupation ; habiliter les personnes à effectuer les occupations qui favorisent leur bien-être ; habiliter les membres de la société, de telle sorte que celle-ci soit juste et inclusive afin que tous puissent s’engager, selon leur plein potentiel, dans les activités de la vie quotidienne».

Une occupation est l’ensemble d’activités et de tâches de la vie quotidienne auxquelles les individus et les différentes cultures donnent un nom, une structure, une valeur et une signification. L’occupation comprend tout ce qu’une personne fait pour prendre soin d’elle (soins personnels), se divertir (loisirs) et contribuer à l’édifice social et économique de la communauté ‘productivité). C’est l’expertise de l’ergothérapeute. (ACE, 2002). 

Les modèles conceptuels en ergothérapie

Cette profession s’appuie sur des modèles conceptuels. Ces derniers sont des outils essentiels pour guider la démarche clinique. En effet, ils permettent d’organiser les connaissances des thérapeutes, d’analyser les difficultés des clients de manière structurée et d’identifier les priorités d’interventions, dans le but de favoriser leur rendement et leur engagement occupationnel. Dans cet article, le modèle canadien du rendement et de l’engagement occupationnel sera détaillé. 

 

Le Modèle Canadien du rendement et de l’engagement occupationnel (MCREO) 

Le Modèle canadien du rendement et de l’engagement occupationnel (MCREO) est utilisé par les ergothérapeutes oeuvrant au Québec et au Canada. C’est un modèle centré sur le client. Cela signifie que les interventions visent à répondre aux besoins spécifiques de chaque individu, en tenant compte de ses valeurs, de ses objectifs et de son contexte unique. L’évaluation se fait souvent en collaboration avec la personne elle-même, garantissant une participation active dans le processus de prise de décision.

 

La personne est représentée sous plusieurs dimensions : la dimension physique (fonctions sensori-motrices, prothèse de hanche, fractures) ; la dimension cognitive (fonctions cérébrales, la mémoire, l’attention) ; la dimension affective (les émotions comme la colère, la tristesse ou la joie et les sentiments) et la dimension spirituelle (croyances, valeurs, projets de vies). Cette vision globale aide à comprendre la personne dans toutes ses dimensions, ses fonctions, ses activités, ses besoins et ses habitudes de vie.

Puisque chaque individu vit dans un contexte environnemental qui lui est propre, la personne est représentée à l’intérieur de l’environnement. L’environnement est divisé en quatre catégories : l’environnement social (les amis ou la famille de la personne, un voisin gentil) ; l’environnement culturel (la culture québécoise et canadienne par exemple) ; l’environnement institutionnel (les lois, la politique, l’économie ; règles de vie en communauté, etc) et l’environnement physique (le logement de la personne : appartement, maison, château, la rue ; les ressources financières). L’environnement offre des possibilités occupationnelles aux individus. 

À cet effet, les occupations sont conceptualisées comme faisant le pont entre l’environnement et l’individu, puisque celui-ci agit sur son environnement par le biais de ses occupations. Ce modèle propose trois finalités occupationnelles, soit les soins personnels (manger, boire, se déplacer, faire son épicerie et son ménage), la productivité (le travail, les études et le bénévolat) et les loisirs (randonner, lire, dessiner).

Le rendement occupationnel est défini comme le « résultat d’un rapport dynamique qui s’établit tout au long de la vie entre la personne, l’environnement et l’occupation. Le rendement occupationnel évoque la capacité d’une personne de choisir, d’organiser et de s’adonner à des occupations signifiantes qui lui procurent de la satisfaction. » Puis, l’engagement occupationnel, « capture la plus large des perspectives de l’occupation ».  Ce terme réfère à tout ce qu’une personne fait pour s’impliquer, s’investir, pour participer et pour s’occuper. Ainsi, l’engagement occupationnel est plus que la simple réalisation d’une occupation.

Le modèle canadien du rendement et de l’engagement occupationnel (MCREO)     

Avantages de l’utilisation du modèle en santé mentale

L’utilisation du MCREO est cliniquement efficace pour détecter les changements significatifs des vies des personnes qui présentent des problématiques de santé mentale. En effet, l’utilisation du modèle en santé mentale permet de prendre en compte la subjectivité, la spiritualité de la personne ainsi que l’aspect social.

En santé mentale le MCREO, nous permet de regarder la personne au-delà de son diagnostic (bipolaire, schizophrène, etc.). Nous allons explorer et prendre en considération la personne dans sa globalité avec ses valeurs (ce en quoi elle croit) et ses forces. 

Références : 

Christiansen, C., Baum, C. M., & Bass-Haugen, J. (2005). Occupational therapy: performance, participation, and well-being. Thorofare: Slack.

Dunn, W. (2011b). Using frames of reference and practice models to guide practice. Dans Best practice occupational therapy for children and families in community settings. Danvers: Slack inc.

Morel-Bracq, M-C. (2017). Les modèles conceptuels en ergothérapie. Introduction aux concepts fondamentaux (2ème édition). De Boeck Supérieur : Lausanne, Suisse.

Ordre des ergothérapeutes du Québec (OEQ). Qu’est-ce que l’ergothérapie? Repéré à https://www.oeq.org/m-informer/qu-est-ce-que-l-ergotherapie.html 

Sames, K. M. (2010). Documenting  Occupational Therapy Practice. Upper Saddle  River: Pearson Education, 36-46 

Townsend, E.A., & Polatajko, H.J. (2013). Habiliter à l’occupation: Faire avancer la perspective ergothérapique de la santé, du bien-être et de la justice par l’occupation (2e ed. version française Noémi Cantin). Ottawa, Ont : CAOT Publications ACE.

La théorie des cuillères

Connaissez-vous la théorie des cuillères ?

Il s’agit d’une métaphore qui permet de décrire la quantité d’énergie que possède une personne dans une journée. La théorie des cuillères a été imaginée par Christine Miserandino, qui est atteinte du lupus, une maladie chronique. Elle avait l’impression que de nombreuses personnes ne comprenaient pas réellement ce que c’était que de vivre avec une maladie qui engendre des limitations au niveau de l’énergie. Essayer d’expliquer comment elle vivait sa maladie revenait à essayer d’expliquer la couleur bleue à un aveugle. Elle a donc inventé une métaphore à laquelle tout le monde pouvait s’identifier, la cuillère. Ici, une cuillère représente une unité d’énergie. L’idée est qu’une personne dispose d’un nombre limité de cuillères par jour, et que, chaque fois qu’elle fait quelque chose, elle puise dans son lot de cuillères (elle épuise son énergie). Sortir du lit, s’habiller, se laver, déjeuner, conduire sont des actions quotidiennes perçues comme anodines par la majorité, mais qui coûtent néanmoins des cuillères. Une personne qui ne vit pas de limitations d’énergie dispose d’un nombre illimité de cuillères. En d’autres mots, la majorité des gens ont suffisamment de cuillères pour passer à travers la journée. Ainsi, la plupart des gens n’ont pas à penser à leur énergie et à gérer les cuillères dont ils disposent. D’un autre côté, une personne qui vit des limitations dispose d’un nombre limité de cuillères. Ajoutons un niveau de complexité : le nombre de cuillères peut fluctuer d’un jour à l’autre selon les symptômes. La personne doit décider comment utiliser ses cuillères à bon escient pour pouvoir passer à travers la journée. Elle doit prioriser ses tâches et ses activités.

 

La théorie des cuillères et les problèmes de santé mentale

Si cette métaphore a été originalement pensée pour représenter le défi de ceux qui vivent une maladie chronique, elle est également pertinente pour comprendre les répercussions de la maladie mentale sur l’énergie. Prenons l’exemple de la dépression. Nous savons que la dépression peut se manifester par un état de grande fatigue. Les gens déprimés peuvent se sentir physiquement et émotionnellement épuisés. Ainsi, il peut leur être difficile d’accomplir des tâches de la vie quotidienne. Par exemple, une tâche qui semble simple, comme sortir du lit, peut demander plus d’énergie (de cuillères). Une autre caractéristique de la dépression est la difficulté de concentration. Ainsi, lire le journal peut être plus demandant et utilise plus de cuillères. J’ai tenté de représenter dans un tableau la métaphore en action lors d’une journée typique. Je conviens que l’exemple est très simpliste, et n’est absolument pas représentatif de la réalité de tous, mais
il permet de mieux visualiser les défis d’avoir un niveau d’énergie limité et la gestion qui en découle.

Utilité de la théorie

Déconstruire les stigmas

« C’est de la paresse », « il ne fait pas d’efforts » … Il peut être difficile de comprendre l’autre qui compose avec un niveau d’énergie diminué à cause d’une maladie « invisible », comme une maladie mentale. Du même coup, il est important de réduire la stigmatisation en rappelant que le manque d’énergie n’est pas un échec personnel ou un manque d’efforts. Cette théorie se veut donc un pont pour bâtir une compréhension commune et réduire les stigmas.

Une meilleure compréhension et empathie

La théorie des cuillères peut être utilisée pour aider les gens à comprendre que les personnes qui vivent avec certaines maladies doivent prendre des décisions difficiles quant à la manière d’utiliser leur énergie pour vivre leur vie. Cela aide à illustrer pourquoi ces personnes peuvent être épuisées et parfois incapables d’en faire autant qu’elles le voudraient.


Un moyen de communication

Cette métaphore peut aider à exprimer à l’autre son niveau d’énergie et son besoin de prioriser certaines tâches. « Je n’ai plus de cuillères » : en effet, c’est une image qui peut être utilisée pour signaler à l’autre son niveau d’énergie. « Je n’ai plus/pas assez de cuillères pour faire cette activité » : cela permet d’indiquer à l’autre qu’il est essentiel de prioriser certaines activités/tâches et que des choix doivent être faits.

Écouter ses besoins et ajuster ses attentes

La théorie des cuillères permet d’identifier ses priorités, ses besoins et ses limites. De plus, bien qu’il ne soit pas possible de contrôler le nombre de cuillères pour une journée, il est possible d’adoucir les attentes envers soimême. Par exemple, reconnaitre le besoin de se reposer ou de faire une sieste pour continuer la journée (pour renflouer la réserve de cuillères) ou encore accepter d’en faire moins. Elle permet aussi de réduire la culpabilité ressentie quand la personne a l’impression de ne pas en faire assez ou de décevoir son entourage. Cela permet d’éviter la comparaison, sachant que chacun débute sa journée avec un nombre différent de cuillères et qu’il fait de son mieux avec ce qu’il a.

 

Références:
https://www.psychologue.net/articles/la-theorie-des-cuilleres
https://butyoudontlooksick.com/articles/written-by-christine/the-spoon-theory/
https://www.washingtonpost.com/wellness/2023/01/14/spoon-theory-chronic-ill -ness-spoonie/
https://www.mhainde.org/thespoon-theory-lens-on-mentalhealth/

Le pouvoir, l’influence et leurs effets sur soi

Si on peut facilement oublier ce qu’on nous a dit ou fait, on oublie rarement ce qu’on nous a fait ressentir.

 

Le pouvoir qui nuit

Le pouvoir a ceci d’intéressant qu’il révèle parfois le pire côté de la personne, car elle peut se sentir légitime de faire ce qu’elle veut. Plus elle a de pouvoir, plus elle pourrait avoir l’impression que les règles ne s’appliquent pas à elle. Le milieu ou contexte dans lequel la personne évolue favorisera ou non des comportements nuisibles. Les contraintes liées à une position de pouvoir peuvent contribuer à ce que la personne reste insensible à ce que ressent autrui. Cela peut se manifester en favorisant leur point de vue et rejeter celui des autres. Cela peut aller jusqu’à une confiance excessive en son jugement, tout en dévalorisant celui des autres.

 

Le pouvoir qui aide

Une personne de pouvoir, qui démontre de l’empathie, prendra en compte d’autres points de vue. C’est sa responsabilité. Car, « le plus digne du pouvoir est celui qui en connaît la responsabilité » La Rochefoucauld). Une personne de pouvoir qui aide, c’est aussi quelqu’un qui influence les autres à se dépasser. Elle démontre son empathie en facilitant un espace qui favorise l’entraide et le développement des autres. En fait, le pouvoir qui aide est plus souvent celui qui est présent en général.

 

Les nuances

Est-ce que l’abus de pouvoir fait de la personne quelqu’un de méchant ? Pas forcément. Il est possible que cette personne ait été mise en contexte d’impuissance pendant un assez long moment. Il/elle en a peut-être bavé et son impulsion est de garder le pouvoir pour ne plus jamais ressentir d’impuissance. Cette même personne souhaite peut-être aussi faire avancer sa cause, celle d’un groupe ou d’une société (2), et ce à tout prix. Cela étant dit, une posture de pouvoir ne veut pas dire une position d’influence. On a le choix de s’éloigner ou d’essayer de changer les choses.

 

Incarner le contre-pouvoir

Face à un pouvoir malsain, certaines personnes vont incarner la force du contre-pouvoir. Un pouvoir sain est partagé entre des personnes qui développent un sentiment de confiance entre elles. Est-ce plus facile ? Rappelez-vous que l’effet du pouvoir fait ressortir le naturel. On peut utiliser son pouvoir de manière saine dans un contexte et de manière nuisible pour les autres dans un autre contexte. Les personnes qui ont de l’influence autour, font-elles ressortir le meilleur de vous ? Est-ce qu’elles remettent en question un comportement qui semble vous nuire ? Une discussion franche, même si elle apparaît désagréable, peut être nécessaire. Les dynamiques de pouvoir entre êtres humains sont à l’œuvre quand il y a du changement dans l’air. C’est alors que surviennent des conflits.

 

Exemple de situation

Par exemple, vous souhaitez cesser de boire de l’alcool. Les vendredis soir sont particulièrement difficiles, car vous sortez au bar entre amis depuis le Cégep. Celui qui garde votre groupe uni, vous dit : ‘’Allez, bois une bière avec nous, sinon tu brises le party’’. Vous souhaitez cesser de boire, parce que vous avez de la difficulté à vous relever des abus d’alcool les samedis matin. L’influence de cet ami et le besoin de faire partie du groupe vous tiraillent ? Cet ami, de son côté, souhaite peut-être que les choses ne changent pas. Vous ne voulez pas être trouble-fête. Donc, le désir de changement cause des remous dans l’entourage et c’est normal. Cela demande de l’ajustement et de l’empathie de part et d’autre, surtout si notre entourage a du pouvoir et de l’influence sur notre manière de vivre.

Pour vivre en résonance avec nos valeurs et nos besoins, il suffit d’être attentif à cet élan qui vient de l’intérieur de soi. Cet élan qui pousse et vous amène à être en cohérence avec vos besoins. On peut s’attendre de l’entourage qu’il nous encourage dans les changements qu’on souhaite apporter dans notre vie. Autrement, il se peut qu’on doive s’éloigner de certaines personnes qui souhaite nous influencer dans le sens contraire. Cela n’est pas nécessairement facile.

 

En conclusion

Je conclus en vous posant quelques questions. Comment contribuez-vous à aider les autres à se dépasser ? Oui, je sais, pas si facile qu’on aimerait le croire ! Est-ce qu’il vous arrive de tenter d’imposer votre point de vue et votre manière de vivre ? Comment est-ce que j’essaie d’aider les autres à se dépasser ou atteindre ses objectifs ? Qu’est-ce que je ressens face à une personne d’influence ? Une personne peut nous déplaire, car elle provoque un sentiment qu’on n’a pas envie de regarder. Il n’y a qu’à penser à la vague de personnes en situation d’itinérance. Cela nous dérange… Pourquoi ? On peut se poser la question suivante : quels sont les parties de soi, les valeurs, les besoins ou les rêves qui sont maintenus à l’écart et repoussés au fin fond de soi ? Chaque personne possède le pouvoir de s’accomplir et de se créer une vie qui répond à ses besoins et respecte la liberté d’agir et de penser des autres.

 

 

Références :

Vanessa Haugel (2016) https://www.noovomoi.ca/vivre/bien-etre/article.quel-effet-pouvoir-sur-etre-humain.1.2128944.html

Marie-France Bazzo (2024). Pouvoir et influence. https://www.lapresse.ca/dialogue/chroniques/2024-04-16/pouvoir-et-influence.php

Ghislaine Guérard (2008). Mastering the conflict game: getting ahead by exploring the hidden life of organizations. Éditions Yvon Blais.

https://theses.hal.science/tel-03139835v1/document

Bouxom, H. (2021). Le pouvoir en moi : rôle du soi-actif dans les effets du pouvoir social sur les performances et le jugement moral. Psychologie. Université de Nanterre – Paris X, 2020.

 

Le bonheur: un regard sur les jeunes canadiens

La quête du bonheur est universelle. Nous aspirons tous à atteindre cet état de bien-être et de plénitude intérieure. D’ailleurs, on dit que la jeunesse est l’une des périodes les plus heureuse d’une vie. Pourtant, ce discours semble aujourd’hui éloigné de ce que ressentent les jeunes canadiens. En effet, les jeunes canadiens rapportent un niveau de bonheur plus bas que leurs aînés. Cette disparité du bonheur est plus qu’une simple statistique : c’est un appel à l’action. Explorons ensemble le bonheur des jeunes.

Qu’est-ce que le bonheur?

Le bonheur peut être perçu comme une émotion passagère, qui va et vient selon les évènements de la vie. En réalité, le bonheur ne se résume pas à de simples moments de plaisir. Les psychologues définissent le bonheur comme un bien-être subjectif, qui implique une vie plaisante, significative et engagée.[1] En d’autres mots, le bonheur est une combinaison d’apprécier les petits moments de la vie et vivre une vie riche de sens.

Le bonheur des jeunes canadiens

Le Canada est reconnu comme un pays heureux : il se classe au 15e rang de l’indice mondial du bonheur sur 143 pays.[2] Néanmoins, un regard approfondi sur les chiffres révèle un tout autre portrait pour les jeunes Canadiens. En effet, si on prend en compte uniquement les personnes âgées de 30 ans et moins, le Canada chute à la 58e position. En revanche, si on ne tient compte que des Canadiens âgés de 60 ans et plus, le Canada se hisse au 8e rang mondial des personnes les plus heureuses. Cette différence marquante n’est pas propre au Canada : d’autres pays comme les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande affichent des tendances similaires, mais le Canada et les États-Unis sont en tête pour ce qui est de la disparité entre le bonheur des jeunes et celui des personnes plus âgées.[3]

Au cours des dernières années, le bonheur et la satisfaction de vie ont diminués chez l’ensemble des Canadiens, mais cette baisse est particulièrement marquée chez les jeunes adultes. Par exemple, le bonheur des jeunes à diminuer deux fois plus que celui des personnes plus âgées.[4] Ainsi, si 49 % des Canadiens se déclarent très satisfaits de leur vie,

seuls 36 % des 25-34 ans sont de cet avis, comparativement à 62 % des Canadiens âgés de 65 ans et plus. [1]

Au-delà de la satisfaction de vie, il est important de souligné la diminution de la santé mentale chez les jeunes. En 2015, 67 % des femmes et 74 % des hommes âgés de 15 à 30 ans ont déclaré avoir une bonne santé mentale. En 2020, ces chiffres avaient considérablement diminué, avec seulement 33 % des femmes et 44 % des hommes dans ce cas.[2] C’est donc dire que 2 femmes sur 3 ne considéraient pas avoir une bonne santé mentale et un peu plus de la moitié des hommes.[3]

Les pistes de solutions

Les défis auxquels sont confrontés les jeunes sont multiples et complexes. Cependant, plusieurs pistes de solution peuvent être envisagées pour améliorer leur bien-être et leur bonheur. Considérant que cette baisse de bonheur est partagée par un ensemble des jeunes, il est impératif de considérer autant les solutions individuelles que systémiques:

  1. La santé mentale : La santé mentale est un facteur important du bonheur en général. Depuis les dernières années, la santé mentale rapportée par les jeunes canadiens est en déclin.[4] La santé mentale des jeunes doit être adressée et des ressources déployées pour soutenir la santé mentale des jeunes.
  2. Créer des relations de qualité pour contrer la solitude : Les Canadiens âgés de 15 à 24 ans déclarent des niveaux de solitude en augmentation, bien qu’ils soient la génération la plus « connectée » de l’histoire. Les médias sociaux peuvent créer une fausse impression de connexion tout en renforçant le sentiment d’isolement. Cependant, la création de véritables relations authentiques et profondes peut aider les jeunes à se sentir plus connectés et moins seuls.
  3. Apaiser l’insécurité financière: Les soucis d’argent sont une source constante de stress pour plusieurs Canadiens, particulièrement les jeunes. Avec l’augmentation du coût du logement et du coût de la vie, il est difficile de pouvoir assurer une certaine sécurité financière. De nombreux jeunes doivent renoncer ou reporter des projets de vie tels que l’achat d’une maison ou même la parentalité en raison de leur situation financière précaire.[5] L’insécurité financière mine le bonheur en créant un sentiment d’instabilité et de peur face à l’avenir. Ainsi, des initiatives visant l’atténuation du stress financier pourraient améliorer la qualité de vie des jeunes.
  4. Impliquer les jeunes face au futur: Le monde évolue rapidement et, pour de nombreux jeunes, l’avenir semble incertain plus que jamais. Entre les changements climatiques et les tensions politiques, les jeunes sont moins optimistes quant à leur avenir.[1] [2]

Les jeunes ont besoin de sentir qu’ils sont partie prenante de leur avenir et qu’ils peuvent faire une différence. L’un des moyens d’y parvenir est de donner aux jeunes une voix dans les processus décisionnels qui les concernent, par exemple dans les politiques environnementales. C’est en donnant aux jeunes la possibilité de s’exprimer et ainsi d’avoir du pouvoir sur les politiques que nous pouvons les aider à se sentir plus optimistes, engagés et heureux.

Pour résumé, l’écart de bonheur entre les jeunes Canadiens et les générations plus âgées est une invitation au changement. C’est donc une occasion de faire sentir aux jeunes qu’ils sont soutenus, entendus et valorisés, notamment en accordant la priorité à la santé mentale, en favorisant les liens sociaux authentiques, en atténuant le stress financier et en donnant aux jeunes la possibilité de participer à l’élaboration de leur avenir.

 

 

Références :

[1] Psychomédia. (2013, 11 mai). Différentes conceptions du bonheur dans la recherche en psychologie positive. https://www.psychomedia.qc.ca/psychologie/2013-05-10/psychologie-positive-definitions-du-bonheur

[2] Helliwell, J. F., Layard, R., Sachs, J. D., De Neve, J.-E., Aknin, L. B., & Wang, S. (Eds.). (2024). World Happiness Report 2024. University of Oxford: Wellbeing Research Centre. https://worldhappiness.report/ed/2024/

[3 Idem.

[4] Newman, K. M. J. (2024, 21 mars). World Happiness Report Isn’t So Happy for Young Americans. Greater Good Science Center. https://greatergood.berkeley.edu/article/item/world_happiness_report_isnt_so_happy_for_young_americans

[5] Statistique Canada. (13 septembre 2024). Study: Charting change: How time-series data provides insights on Canadian well-being. https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/240913/dq240913b-eng.htm

[6]  Statistique Canada. (2021). Portrait of Youth in Canada: Physical Health & Behaviours. https://www150.statcan.gc.ca/n1/en/pub/11-627-m/11-627-m2021011-eng.pdf?st=JhFSwBpJ

[7] Idem.

[8] Idem.

[9] Statistique Canada. (20 septembre 2023). Navigating Socioeconomic Obstacles: Impact on the Well-being of Canadian Youth. https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/240913/dq240913b-eng.htm

[10] Idem.

[11] Statistique Canada. (17 mai 2022). Hopefulness is declining across Canada: having children or strong ties to a local community associated with a more hopeful outlook. https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/220517/dq220517d-eng.htm

Trouble d’accumulation compulsive : plus complexe qu’on le croit

Les personnes accumulatrices, ce sont des personnes qui souffrent du trouble d’accumulation compulsive (TAC).

Pierre Rondeau (médecin généraliste en santé mentale à la retraite) et Anne-Julie Roy (directrice des services externes de la Maison Grise de Montréal) sont venus donner une conférence à ALPABEM le 3 octobre 2023 sur le sujet. Le Dr. Rondeau affirme que bien que ces personnes vivent dans un environnement encombré, le TAC est différent du syndrome de Diogène. Ce n’est pas de l’insalubrité, ni un TOC (trouble obsessif compulsif). Ce n’est donc pas le même traitement, ni le même type d’intervention. Cela ne se traite pas par de la médication, mais par des approches en psychothérapie.

Le portrait de la situation

  • 2,6% des personnes en souffrent dans la population québécoise 1
  • 6% des aînés en souffrent 2
  • +/-8% des personnes accumulatrices seront évincées de leur logement 1
  • 82% des interventions de première ligne sont liées au TAC au Québec3

La personne est souvent fonctionnelle en dehors de la maison. Ce qu’il faut comprendre de cette situation, la perte d’un objet cause de la détresse. Aussi jeter un objet est difficile et crée de la détresse. Éviter la détresse, engendre peu à peu l’accumulation. Ce qui altère le fonctionnement social, professionnel, et cause des problèmes dans son environnement. Bien que les propriétaires craignent les incendies, seulement 0,25% des incendies sont causés par un TAC 1.

Causes

Les facteurs de stress psychosociaux viennent de l’insécurité financière, souvent à la suite du décès du conjoint, suivi d’un isolement. Il n’y a pas de cause unique, mais la génétique compterait pour 85%. La personne qui en souffre à souvent des parents qui en ont souffert aussi. Les personnes qui ont déjà vécu des événements traumatisant causant du stress aigu voient les risques multipliés par 5 de souffrir d’un TAC. Il devient difficile pour la personne de prendre des décisions. Elle voit aussi sa mémoire et son attention diminuer. De plus, elle a de la difficulté avec la classification. 75% des troubles sont liés à la dépression et/ou l’anxiété. Le Dr. Rondeau dit de chercher le TAC1, qui risque d’être présent aussi.

Quand le TAC mène à l’itinérance

L’entourage pense bien faire en arrivant pour faire un beau grand ménage. On voit d’abord la perte de repères. Cela amène de la détresse chez la personne habituée à vivre dans l’encombrement. Avec le temps l’incompréhension de part et d’autre mène à la rupture sociale3. La personne qui vit le rejet, ressent aussi un sentiment de honte, de l’épuisement et l’isolement. Elle peut alors compenser par de nouvelles acquisitions, aggravant le problème d’accumulation. Lorsque la personne loue un appartement elle est à risque d’éviction. Les propriétaires peuvent être intolérants et la personne peut se retrouver à la rue, si elle n’est pas accompagnée pour faire face et agir sur la situation.

Lorsque l’encombrement des lieux ne permet plus d’inviter les connaissances à la maison. Et que cela est suivi par une inspection et une éviction, la personne se retrouve délocalisée de son milieu de vie. La méfiance provoquée par l’incompréhension vulnérabilise encore plus la personne. L’entourage qui aide cette personne est aussi à risque de développer de l’anxiété et/ou de la dépression4.

La sagesse qui ressort de la conférence

Le TAC est souvent une réponse à la souffrance qui se manifeste par la difficulté à se séparer des objets. La personne est placée devant un choix difficile : celui de retrouver la fonctionnalité d’un espace dans sa maison et celui de garder tout ce qui envahit cet espace. Le mal de vivre de la personne est souvent non détecté. La personne est perçue comme traineuse, alors qu’elle souffre souvent d’angoisse existentielle. Selon nos conférenciers, il est important que la personne qui souffre du TAC soit inclus dans la démarche de réduction de l’encombrement.

Une démarche avec la personne

Anne-Julie Roy de la Maison Grise de Montréal est venue nous raconter comment ils interviennent. Tout d’abord :

  • Prendre contact avec la personne avec respect et discrétion
  • Fixer avec la personne un objectif clair de désencombrement
    • Être réaliste : parfois ça commence par un petit sac
  • Favoriser la motivation de la personne qui vise à lui redonner le contrôle
  • Maintenir le contact (rôle de sentinelle)

Ils travaillent d’abord avec la personne, et aussi de concert avec le propriétaire et le service d’inspection pour avoir un état de la situation. Ensuite, un plan d’action est élaboré avec la personne elle-même. Aussi, la résistance au changement est un signal. Il est important de revenir à la personne. De s’assurer que ce soit son projet. S’il y a des ‘’oui, mais…’’, cela crée une situation de ping pong qui provoque le recul. L’objectif doit faire du sens pour la personne. Par exemple, on peut donner le choix à la personne de commencer par la salle de bain ou le salon. Ou encore, demander à la personne ce qu’elle aimerait faire dans le salon. Ou encore, comment elle aimerait procéder pour récupérer son espace.

Informations et ressources

Le Dr. Rondeau et Madame Roy ont développé un guide qu’on peut acheter. Il sert à aider l’entourage et les professionnels, mais aussi la personne qui vit avec le trouble d’accumulation compulsive5. Sur le site internet du CATAC que les deux conférenciers ont développé, vous trouverez aussi une panoplie d’informations et de ressources 2.

 

 

Références

  1. ALPABEM : conférence du 3 octobre 2023 : Le trouble d’accumulation compulsive.
  2. Site internet du Comité d’action pour le trouble d’accumulation compulsive : https://accumulationcompulsive.ca/quelques-donnees-importantes-sur-le-tac/
  3. Douville et Emery (2021). Quand l’accumulation conduit à l’itinérance. Les cahiers du CEIDEF Vulnérabilités et familles 8, 330-342.
  4. Moreau et Dallaire (2022). Soutenir une personne aînée composant avec une problématique d’accumulation compulsive : regard sur les réalités vécues par les personnes proches aidantes. École de travail social et de criminologie de l’Université Laval 68(2), 67-85.
  5. Premier guide québécois pour le trouble d’accumulation compulsive : https://accumulationcompulsive.ca/

Cultiver une santé mentale positive : de l’engagement individuel à l’engagement collectif

Lorsqu’on parle de santé, on pense souvent à la santé physique. Pourtant, la santé mentale est tout aussi essentielle à notre bien-être global.

Il n’y a pas si longtemps, la santé mentale était simplement considérée comme l’absence de maladie mentale. Cependant, c’est une vision réductrice et simpliste. Avant d’aller plus loin, prenons le temps de faire la distinction entre deux notions : la présence (ou l’absence) d’un trouble mental ne détermine pas à elle seule l’état de santé mentale d’une personne. En effet, la santé mentale et la maladie mentale sont deux concepts distincts : une personne peut vivre avec un trouble de santé mentale et maintenir une bonne santé mentale en développant des stratégies d’adaptation efficaces et en recevant un soutien approprié. À l’inverse, une personne sans trouble de santé mentale peut vivre une grande détresse psychologique. Il est donc essentiel de promouvoir la santé mentale positive auprès de tous, indépendamment de la présence ou non d’un trouble de santé mentale.

Mais concrètement, qu’est-ce qu’une santé mentale positive et comment pouvons-nous l’encourager au quotidien ?

Comprendre la santé mentale positive

La santé mentale positive est caractérisée par un état de bien-être, qui englobe les différentes sphères de notre vie : émotionnelle, fonctionnelle, sociale et spirituelle. La santé mentale positive nous permet de profiter de la vie et de nous adapter aux défis de la vie avec la résilience nécessaire.

La santé mentale positive peut être comparée avec la santé physique : tout comme un sportif bien entraîné pourra récupérer plus facilement après un effort physique intense, une personne en bonne santé mentale pourra plus aisément mobiliser ses ressources pour s’adapter aux changements et aux épreuves. De la même façon que nous entretenons une bonne santé physique, nous pouvons cultiver une bonne santé mentale au quotidien.

Agir pour une santé mentale positive

Promouvoir la santé mentale positive vise à renforcer les facteurs qui soutiennent notre bien-être mental. En d’autres mots, on met l’accent sur le maintien et le développement des ressources internes et externes qui favorisent notre bien-être. Cette approche se distingue donc de la prévention, qui cherche à réduire les facteurs qui nuisent à la santé mentale. Plusieurs facteurs influencent la santé mentale. Bien que certains facteurs échappent à notre contrôle (ex. l’hérédité,
le contexte économique et social ou les évènements du passé), d’autres facteurs peuvent être renforcés à travers des actions concrètes. Cultiver une santé mentale positive, c’est agir à plusieurs niveaux : individuel, familial, communautaire et sociétal.

Sur le plan individuel

Adopter de saines habitudes de vie. Un sommeil de qualité, une activité physique régulière et une alimentation équilibrée soutiennent la santé mentale, tout comme la santé physique.

Apprendre à gérer son stress et ses émotions. Apprendre à écouter et accueillir ses émotions sont des compétences clés pour gérer ses émotions. Intégrer des moments de détente et des exercices de respiration peuvent être des stratégies efficaces pour une meilleure gestion du stress.

Développer la connaissance de soi. Reconnaître ses forces, ses besoins et ses limites aide à s’adapter aux défis du quotidien et à renforcer l’estime de soi.

Apprendre à demander de l’aide. Rechercher du soutien auprès de son entourage ou de professionnels lorsqu’on en ressent le besoin est essentiel pour préserver son bien-être.

Sur le plan familial et social

La santé mentale positive se construit également à travers nos relations interpersonnelles. S’entourer positivement. Cultiver un réseau de soutien bienveillant avec des personnes qui nous comprennent et nous soutiennent est précieux dans les périodes plus difficiles. Favoriser un climat familial positif. Un environnement familial stable et sécuritaire, et une communication ouverte et bienveillante sont des éléments qui favorisent le bien-être mental de chacun. Accéder aux ressources de soutien. Il est essentiel d’avoir accès à des ressources de soutien en cas de besoin. Que ce soit un soutien obtenu à travers l’entourage ou par des ressources externes, comme le CAFGRAF.

Sur le plan communautaire

L’environnement dans lequel nous évoluons joue aussi un rôle majeur dans notre santé mentale. La communauté, que ce soit à l’école, au travail ou dans notre quartier, influence notre bien-être psychologique.Bien que nous n’ayons pas un contrôle total sur notre environnement, il est possible d’agir pour améliorer nos milieux de vie et ainsi créer des milieux favorables à la santé mentale. Voici quelques pistes d’action possibles :

Favoriser des environnements inclusifs. Un milieu inclusif, où la santé mentale est prise en compte et où chacun se sent accueilli et respecté, permet à la collectivité de s’épanouir. Ceci passe par la sensibilisation et l’éducation des milieux scolaire, de travail et de la communauté. Parler de santé mentale permet d’encourager un climat positif bienveillant, ainsi que de réduire la stigmatisation et d’améliorer le bien-être collectif.

S’engager socialement. De même, l’engagement social, comme s’impliquer dans des initiatives communautaires, participer à des projets collectifs ou améliorer les espaces
communs renforce la santé mentale positive individuelle et collective.

Sur le plan sociétal

Finalement, à une échelle encore plus large, les réalités sociétales influencent profondément la santé mentale. Les inégalités, la stigmatisation et la discrimination sont des freins à une bonne santé mentale. Par exemple, la peur du jugement peut empêcher certaines personnes de chercher l’aide dont elles ont besoin, aggravant ainsi leur détresse. Il est donc essentiel de promouvoir des initiatives qui favorisent une société plus équitable et inclusive pour que chacun puisse s’épanouir pleinement.

Conclusion

En bref, il est possible d’agir pour renforcer notre santé mentale positive, que ce soit sur le plan individuel, familial, social
ou communautaire. En agissant individuellement et collectivement, nous pouvons créer un environnement propice
au bien-être mental de chacun.

Références

https://casecultive.ca/la-sant%C3%A9-mentale-positive-cest-quoi