Le bonheur: un regard sur les jeunes canadiens

La quête du bonheur est universelle. Nous aspirons tous à atteindre cet état de bien-être et de plénitude intérieure. D’ailleurs, on dit que la jeunesse est l’une des périodes les plus heureuse d’une vie. Pourtant, ce discours semble aujourd’hui éloigné de ce que ressentent les jeunes canadiens. En effet, les jeunes canadiens rapportent un niveau de bonheur plus bas que leurs aînés. Cette disparité du bonheur est plus qu’une simple statistique : c’est un appel à l’action. Explorons ensemble le bonheur des jeunes.

Qu’est-ce que le bonheur?

Le bonheur peut être perçu comme une émotion passagère, qui va et vient selon les évènements de la vie. En réalité, le bonheur ne se résume pas à de simples moments de plaisir. Les psychologues définissent le bonheur comme un bien-être subjectif, qui implique une vie plaisante, significative et engagée.[1] En d’autres mots, le bonheur est une combinaison d’apprécier les petits moments de la vie et vivre une vie riche de sens.

Le bonheur des jeunes canadiens

Le Canada est reconnu comme un pays heureux : il se classe au 15e rang de l’indice mondial du bonheur sur 143 pays.[2] Néanmoins, un regard approfondi sur les chiffres révèle un tout autre portrait pour les jeunes Canadiens. En effet, si on prend en compte uniquement les personnes âgées de 30 ans et moins, le Canada chute à la 58e position. En revanche, si on ne tient compte que des Canadiens âgés de 60 ans et plus, le Canada se hisse au 8e rang mondial des personnes les plus heureuses. Cette différence marquante n’est pas propre au Canada : d’autres pays comme les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande affichent des tendances similaires, mais le Canada et les États-Unis sont en tête pour ce qui est de la disparité entre le bonheur des jeunes et celui des personnes plus âgées.[3]

Au cours des dernières années, le bonheur et la satisfaction de vie ont diminués chez l’ensemble des Canadiens, mais cette baisse est particulièrement marquée chez les jeunes adultes. Par exemple, le bonheur des jeunes à diminuer deux fois plus que celui des personnes plus âgées.[4] Ainsi, si 49 % des Canadiens se déclarent très satisfaits de leur vie,

seuls 36 % des 25-34 ans sont de cet avis, comparativement à 62 % des Canadiens âgés de 65 ans et plus. [1]

Au-delà de la satisfaction de vie, il est important de souligné la diminution de la santé mentale chez les jeunes. En 2015, 67 % des femmes et 74 % des hommes âgés de 15 à 30 ans ont déclaré avoir une bonne santé mentale. En 2020, ces chiffres avaient considérablement diminué, avec seulement 33 % des femmes et 44 % des hommes dans ce cas.[2] C’est donc dire que 2 femmes sur 3 ne considéraient pas avoir une bonne santé mentale et un peu plus de la moitié des hommes.[3]

Les pistes de solutions

Les défis auxquels sont confrontés les jeunes sont multiples et complexes. Cependant, plusieurs pistes de solution peuvent être envisagées pour améliorer leur bien-être et leur bonheur. Considérant que cette baisse de bonheur est partagée par un ensemble des jeunes, il est impératif de considérer autant les solutions individuelles que systémiques:

  1. La santé mentale : La santé mentale est un facteur important du bonheur en général. Depuis les dernières années, la santé mentale rapportée par les jeunes canadiens est en déclin.[4] La santé mentale des jeunes doit être adressée et des ressources déployées pour soutenir la santé mentale des jeunes.
  2. Créer des relations de qualité pour contrer la solitude : Les Canadiens âgés de 15 à 24 ans déclarent des niveaux de solitude en augmentation, bien qu’ils soient la génération la plus « connectée » de l’histoire. Les médias sociaux peuvent créer une fausse impression de connexion tout en renforçant le sentiment d’isolement. Cependant, la création de véritables relations authentiques et profondes peut aider les jeunes à se sentir plus connectés et moins seuls.
  3. Apaiser l’insécurité financière: Les soucis d’argent sont une source constante de stress pour plusieurs Canadiens, particulièrement les jeunes. Avec l’augmentation du coût du logement et du coût de la vie, il est difficile de pouvoir assurer une certaine sécurité financière. De nombreux jeunes doivent renoncer ou reporter des projets de vie tels que l’achat d’une maison ou même la parentalité en raison de leur situation financière précaire.[5] L’insécurité financière mine le bonheur en créant un sentiment d’instabilité et de peur face à l’avenir. Ainsi, des initiatives visant l’atténuation du stress financier pourraient améliorer la qualité de vie des jeunes.
  4. Impliquer les jeunes face au futur: Le monde évolue rapidement et, pour de nombreux jeunes, l’avenir semble incertain plus que jamais. Entre les changements climatiques et les tensions politiques, les jeunes sont moins optimistes quant à leur avenir.[1] [2]

Les jeunes ont besoin de sentir qu’ils sont partie prenante de leur avenir et qu’ils peuvent faire une différence. L’un des moyens d’y parvenir est de donner aux jeunes une voix dans les processus décisionnels qui les concernent, par exemple dans les politiques environnementales. C’est en donnant aux jeunes la possibilité de s’exprimer et ainsi d’avoir du pouvoir sur les politiques que nous pouvons les aider à se sentir plus optimistes, engagés et heureux.

Pour résumé, l’écart de bonheur entre les jeunes Canadiens et les générations plus âgées est une invitation au changement. C’est donc une occasion de faire sentir aux jeunes qu’ils sont soutenus, entendus et valorisés, notamment en accordant la priorité à la santé mentale, en favorisant les liens sociaux authentiques, en atténuant le stress financier et en donnant aux jeunes la possibilité de participer à l’élaboration de leur avenir.

 

 

Références :

[1] Psychomédia. (2013, 11 mai). Différentes conceptions du bonheur dans la recherche en psychologie positive. https://www.psychomedia.qc.ca/psychologie/2013-05-10/psychologie-positive-definitions-du-bonheur

[2] Helliwell, J. F., Layard, R., Sachs, J. D., De Neve, J.-E., Aknin, L. B., & Wang, S. (Eds.). (2024). World Happiness Report 2024. University of Oxford: Wellbeing Research Centre. https://worldhappiness.report/ed/2024/

[3 Idem.

[4] Newman, K. M. J. (2024, 21 mars). World Happiness Report Isn’t So Happy for Young Americans. Greater Good Science Center. https://greatergood.berkeley.edu/article/item/world_happiness_report_isnt_so_happy_for_young_americans

[5] Statistique Canada. (13 septembre 2024). Study: Charting change: How time-series data provides insights on Canadian well-being. https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/240913/dq240913b-eng.htm

[6]  Statistique Canada. (2021). Portrait of Youth in Canada: Physical Health & Behaviours. https://www150.statcan.gc.ca/n1/en/pub/11-627-m/11-627-m2021011-eng.pdf?st=JhFSwBpJ

[7] Idem.

[8] Idem.

[9] Statistique Canada. (20 septembre 2023). Navigating Socioeconomic Obstacles: Impact on the Well-being of Canadian Youth. https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/240913/dq240913b-eng.htm

[10] Idem.

[11] Statistique Canada. (17 mai 2022). Hopefulness is declining across Canada: having children or strong ties to a local community associated with a more hopeful outlook. https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/220517/dq220517d-eng.htm

Communication digitale et effritement des frontières interpersonnelles

 Fondamentalement, l’humain recherche la connexion avec les autres. Nos façons de communiquer ont largement évolué, passant des lettres postales, aux textos et aux différentes plateformes de communication. La rapidité et le volume de messages que nous recevons dans l’ère numérique sont sans précédent. Ça soulève la question : sommes-nous adaptés pour conjuguer avec ces interactions continuelles, rapides, et abondantes ? Explorons ensemble l’impact de l’évolution de la communication numérique sur l’éclatement des frontières interpersonnelles.

Boom des messages avec le boom technologique

L’évolution de nos interactions sociales est fascinante. Il y a quelques décennies, des périodes claires d’inaccessibilité se définissaient lorsque nous étions à l’extérieur de la maison : à l’épicerie ou en voyage ? nous n’étions pas rejoignables. Ces coupures étaient clairement délimitées dans le temps, offrant une période de répit. Aujourd’hui, ces frontières n’existent plus naturellement : nous devons consciemment les instaurer(ex : mettre notre téléphone en mode ne pas dérangé).

L’introduction des téléphones cellulaires a initié une nouvelle ère dans nos communications. On se rappellera, dans les années 2000, rédiger un texto prenait du temps avec les claviers à touches numériques (pour écrire « allô », il fallait appuyer 13 fois sur des touches). Il fallait être motivé à écrire un message en utilisant les boutons chiffrés de nos téléphones. Par la suite, les changements dans la communication ont été exponentiels.

En 2000, une personne envoyait/recevait en moyenne 35 textos par mois. En 2011, ce chiffre atteignait près de 40 textos par jour, et chez les jeunes adultes, 50 textos par jour.[1] Aujourd’hui, ces chiffres explosent avec la venue des applications intégrant la communication comme Messenger, Twitter, Instagram, Snapchat, Discord, Teams, Whatsapp, Reddit, etc. Ceci contribue à l’explosion du volume de messages que nous recevons. Pour vous donner une idée de grandeur, quotidiennement, 23 milliards textos, 50 milliards messages WhatsApp, 50 milliards messages Facebook, 5 milliards de Snapchat sont envoyés/reçus.[2] Ça en fait des messages reçus!

Effritement des frontières par la culture de l’instantanée

Les téléphones intelligents permettant de communiquer à tout moment, de n’importe où avec n’importe qui à travers le monde. Par conséquent, nous sommes accessibles en permanence, disponibles à toute heure du jour et de la nuit. Cette disponibilité instantanée crée une attente implicite que chacun est toujours prêt à lire et à répondre aux messages instantanément, similaire à une conversation en face-à-face. Et ce, peu importe l’urgence du message.

Les notifications de lecture sur certaines plateformes ajoutent une pression supplémentaire pour une réponse immédiate dès que le message est vu. De plus, le statut « en ligne » qu’affichent certaines applications, informe les autres de notre disponibilité, intensifiant ainsi cette attente de réponse rapide.

D’ailleurs, il n’est pas rare de jongler entre plusieurs conversations simultanées sur différentes applications avec une même personne, créant parfois un sentiment d’être coincé à devoir répondre à tous les messages de cette personne en même temps.

Ne pas répondre immédiatement aux messages que nous recevons peut amener un sentiment d’avoir pris du retard et un sentiment de ne pas avoir respecté les « règles » de la communication. Ce sentiment de culpabilité peut plonger l’autre dans la justification de son message « tardif ».

Left on read : questionnements et anxiété à deux sens

L’absence d’une réponse rapide peut susciter de l’anxiété chez l’émetteur du message, qui s’interroge sur la réception de son message et sur l’interprétation qu’en fait le destinataire. D’un côté, pour l’émetteur du message, ne pas recevoir de réponse rapidement ou être lu sans réponse peut engendrer de l’anxiété et une spirale de questionnements: « est-ce que mon message a mal été interprété?»; « Je pense que je n’aurais pas dû mettre un point à la fin de mon message… » (oui, la science montre que les textos avec un point sont perçus comme moins sincères[3] et abrupt[4]), « Peut-être que j’aurais dû utiliser un emoji pour clarifier mon ton ? »; « Peut-être qu’il ne m’apprécie pas? » …

De l’autre côté, le receveur du message peut craindre que répondre des heures après l’envoi du message soit mal perçu, et encore plus s’il le lit sans y répondre, donnant l’impression de ne pas accorder suffisamment d’importance à la conversation. En fait, un message répondu quelques heures après son envoie est perçu comme moins enthousiaste[5] et est perçu comme un manque d’attention à la conversion[6]. De plus, le receveur peut craindre que de répondre au message reçu ouvre la porte à une conversation plus intensive, de laquelle il n’est pas disposé à avoir.

Épuisement numérique : attentes irréalistes de l’instantanéité

La gestion des multiples notifications/messages peut devenir écrasante, entraînant un sentiment d’être dépassé, et de culpabilité lorsque les réponses ne sont pas immédiates. Certains peuvent choisir d’éviter de regarder leurs messages, puisque ça génère des sentiments négatifs. Ainsi, les messages qui s’accumulent nécessitent encore plus d’efforts pour les lire et y répondre. Répondre à toutes les conversations devient alors une tâche, souvent accompagnée d’un poids émotionnel et d’une auto-critique pour avoir pris trop de temps à répondre (ex : je ne suis pas un bon ami pour avoir pris autant de temps à répondre…).

L’émergence de la communication numérique a nourri des attentes irréalistes en matière de disponibilité et de réactivité. La rapidité avec laquelle nous sommes désormais capables de communiquer à créer un nouveau paradigme où les délais de réponse se mesurent souvent en minutes.

Ces attentes insoutenables contribuent à l’épuisement numérique, où répondre à toutes les notifications engendre du stress. Le stress résultant de cette constante sollicitation peut nuire à notre bien-être mental et à la qualité de nos interactions, car elle réduit souvent la communication à une série de réponses rapides et superficielles (ex : on like le message plutôt que d’y répondre, on envoie un gif, etc., …) plutôt qu’à des échanges réfléchis et significatifs.

Conclusion

Les téléphones intelligents ont révolutionné la manière dont nous communiquons, rendant notre disponibilité continuelle et ininterrompue, et le large afflux des échanges naturels. Il est bien de prendre un pas de recul et de prendre conscience de l’effritement des frontières interpersonnelles qui peut venir avec la communication moderne. La communication numérique nécessite une gestion consciente pour éviter l’épuisement digitale et maintenir des interactions numériques saines et équilibrées.

 

 

 

Références :

[1] https://www.pewresearch.org/internet/2011/09/19/how-americans-use-text-messaging/

[2] https://www.sellcell.com/blog/how-many-text-messages-are-sent-a-day-2023-statistics/

[3] Gunraj, D. N., Drumm-Hewitt, A. M., Dashow, E. M., Upadhyay, S. S. N., & Klin, C. M. (2016). Texting insincerely: The role of the period in text messaging. Computers in Human Behavior, 55, 1067-1075. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0747563215302181

[4] Houghton, K. J., Upadhyay, S. S. N., & Klin, C. M. (2018). Punctuation in text messages may convey abruptness. Period. Computers in Human Behavior, 80, 112-121. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0747563217306192

[5] Phillips, N. (2023). Exploring the use of time delay as a pragmatic cue in text messaging. https://commons.lib.jmu.edu/masters202029/248/

[6] Lee, H. P. H., Chiang, Y. S., Chou, Y. L., Lin, K. P., & Chang, Y. J. (2023). What makes IM users (un) responsive: An empirical investigation for understanding IM responsiveness. International Journal of Human-Computer Studies, 172, 102983.